Sitges – Brafim


2 août 2022,

Départ de Sitges, je suis fatigué de la côte et de ses routes emplies de voitures souvent incontournables, sans parler des villes, qui se ressemblent dans l’ensemble et parfois hébergent plus de touristes que de locaux. C’est décidé, je pars dans l’intérieur, le dénivelé ne me fait pas peur, j’ai le temps d’arriver à Valencia. Le temps de ranger mes affaires et partir, la matinée est déjà un peu avancée. Passé Vilanova, je me dirige vers l’Arboç profitant des ronciers qui me tendent des mûres tout au long du chemin.

Arrivé à l’entrée du village, un groupe d’anciens commente ma bicyclette, je leur demande s’ils connaissent un endroit pour manger, l’heure du déjeuner s’approche. Ils m’indiquent une adresse un peu plus loin dans la rue animée d’un petit marché. Je m’arrête chez un vendeur de charcuterie et fromage pour emplir mes sacoches de réserves pour d’éventuels pique-niques futurs. Je tombe ensuite sur le petit bar-restaurant du coin. Je commande à manger et demande à un homme attablé seul si je peux m’installer avec lui pour garder un œil sur mon vélo en terrasse. Je discute avec lui et lui demande ce qu’il boit : cela ressemble à l’aspect à un lait végétal. Il me dit que qu’il s’agit d’une « horchata », il m’explique que cette boisson est faite de chufa, un fruit séché puis pressé qui donne cette boisson. Je découvre en faisant des recherches plus tard qu’il s’agit d’un orgeat de souchet, plante que je découvre par la même occasion, dont on utilise le tubercule. J’apprends aussi de ce monsieur, l’histoire, ou peut-être la légende de l’horchata : un jour le roi assoiffé, dans la région valencienne, demande à une paysanne à boire. Elle lui apporte une boisson fraîche au lieu de l’eau dont elle ne dispose pas. Le roi goûtant la boisson s’exclame « esto es oro chata ! » que l’on traduirait par « ceci est de l’or ma chère ! ». Ce qui donna le nom à la boisson, que l’on retrouve fréquemment mais pas systématiquement dans les débits de boissons. Il me demande ensuite si j’aime prendre des photos. Je lui réponds que oui un peu, surtout pour alimenter mon blog d’illustrations. Il me dit alors que je devrais prendre une photo de la maison en face qui au premier possède deux sortes de portes-fenêtres sans balcon et au deuxième deux balcons sans fenêtres. Il me montre ensuite plus loin, sur le toit d’un immeuble la statue de bronze de Christophe Colomb, identique à celle de Barcelone que je n’ai peut-être même pas aperçue. Il s’agit de l’unique copie de celle-ci et elle se trouve être dans ce village que je traverse.

Copie de la statue de Christophe Colomb de Barcelone

Après une bonne pause écriture pour laisser passer les heures les plus chaudes de la journée, je me remets en route sous un soleil qui reste fort. J’apprécie les paysages que je traverse qui sont maintenant constitués de champs d’oliviers et d’arbres fruitiers que je n’identifie pas. Je m’arrête devant un champ de ceux-ci et je constate qu’il s’agit d’amandiers ! De nombreuses branches pleines de fruits ont été coupées. Je ramasse une amande et ouvre la coque avec mes dents. L’amande encore fraîche est excellente. J’en ramasse une bonne quantité se trouvant sur ces branches au sol puis reprends la route.

En fin de journée j’arrive à Montferri ou j’aperçois un étrange édifice. Il s’agit du sanctuaire « de la Mare de Déu de Montserrat » original pour son architecture venant de Gaudi. Je l’observe un moment de l’extérieur comme il est fermé, puis je me rends au village de Montferri à côté. Je continue mon chemin puis vérifie celui-ci après le passage d’un cycliste et je me rends compte que je ne vais pas dans le sens voulu. Je retourne dans le village où je trouve le cycliste en train de se rafraîchir à la fontaine. C’est un grand homme, il doit avoir ma taille, aux cheveux longs, qui doivent lui arriver jusqu’au torse, blonds et légèrement ondulés. Il a des yeux clairs, une voix calme et moins haute que ce que l’on entend chez les Espagnols habituellement. J’échange avec lui sur mon voyage, puis sur l’eau et la température qui nous oblige à nous rafraîchir fréquemment. Il est bien au courant du sujet puisqu’il travaille avec les réseaux d’eau. Il me dit que cette année est si sèche qu’ils sont obligés de recourir à des coupures d’eau dans certaines zones. Comment peut-on nier le changement climatique quand on en perçoit les effets directement ? Lui indiquant ce que je compte faire pour la suite de mon trajet, il me conseille de m’attaquer aux montagnes au loin qui culminent à 1000m d’altitude. Il me dit qu’on trouve des piscines naturelles alimentées par des cascades. Un trajet que lui et d’autres cyclistes empruntent pour déconnecter. Il me conseille de bien regarder par où je pourrais passer, puisqu’une escapade dans ces montagnes en vaut la peine. Il m’indique également un endroit où je devrais pouvoir dormir, visible d’où nous sommes, sur la colline en face. Il s’agit d’un petit parc face à l’ermitage de Brafim, le village en face.

Sanctuaire « de la Mare de Déu de Montserrat »
Sanctuaire « de la Mare de Déu de Montserrat » vue depuis un champ d’oliviers

Je le remercie et parcours les dernières centaines de mètres qui me séparent de mon dortoir du jour. Les dernières dizaines de mètres s’attaquent abruptement à la côte. Je passe devant un 4×4 à l’arrêt qui m’emboîte le pas à l’assaut de cette côte et me klaxonne en levant le pouce pour me féliciter une fois le sommet atteint. Je passe reconnaître le parc indiqué par le cycliste et constate qu’il s’agit d’un endroit qui me semble plutôt calme, sans trop de passage, même avec la piscine accompagnée du bar à côté puisqu’il est bien entouré d’une haie de thuyas. Confiant de l’endroit, je pourrai aisément m’installer même de nuit, je me rends dans le village me restaurer. Je finis par tomber sur un bar ouvert où la patronne, très à l’écoute, me sert un sandwich bien fourni et un rafraîchissement. Après un bon moment passé à écrire, je discute avec la populace qui s’est installée en terrasse entre-temps. La discussion tourne évidemment autour de mon vélo pendant de longues minutes et je deviens l’attraction du bar. Je pars régler la note et demande conseil sur l’itinéraire au patron qui m’indique des villages intéressants à visiter pour le lendemain, me confirmant que la côte est emplie de voitures et touristes et que, si mon idée est de voir du pays, il vaut mieux passer par l’intérieur. En continuant à échanger dehors, il me demande si j’ai besoin de quelque chose et me propose de lui-même une douche que j’accepte. J’abandonne mes affaires aux clients qui me disent qu’ils garderont l’œil dessus et monte dans la voiture du patron qui m’amène chez lui où je fais brièvement connaissance avec son fils. Rincé et propre nous retournons au bar. Je finis par monter sur le vélo après de nouveaux échanges avec les clients et, au moment de me mettre à pédaler, j’observe un silence, dont je joue, en attendant quelques secondes avant d’appuyer sur les pédales. De retour à l’ermitage, j’installe mon hamac dans le parc et passe une nuit tranquille.


Une réponse à “Sitges – Brafim”

  1. Hello
    Belles photos 📷
    Ton histoire d orchata m’a fait penser à celle du chabrol.
    A plus
    Marraine

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