El Molar – La Rapita


5 août 2022,

Depuis plusieurs jours et spécifiquement hier, la chaîne de mon vélo résonne lorsque je suis sur les grands pignons arrières. J’ai aussi manifestement un manque de pression dans mes amortisseurs qui sont beaucoup trop souples, notamment celui de l’arrière. J’ai aussi l’impression de « coller » à la route, sensation typique d’un pneu sous-gonflé. Je décide donc aujourd’hui de me concentrer sur un objectif : trouver un atelier vélo pour résoudre tout ou une partie de mes problèmes.

Après un déjeuner de pain, miel et amandes, je me dirige vers la première ville que je traverse où l’on me dit qu’il se trouve dans la suivante un atelier vélo. Arrivé à Mora la nova, je cherche le magasin en question, en profite pour faire le plein de fruits, quelques tomates, d’avocats qui me font envie et de miel que je viens de terminer. Je finis par trouver le magasin, mais en arrivant devant la porte, je constate que pendant l’été il ne fonctionne pas le lundi et vendredi. Nous sommes vendredi. Je tente ma chance à Mora d’Ebre, de l’autre côté de l’Ebre que je vais ensuite longer. Je fais également chou blanc. Je décide tout de même de m’arrêter dans une station-service profiter du compresseur pour m’atteler à mon problème de pression en changeant la chambre à air de ma roue arrière qui doit avoir une fuite lente malgré les rustines. Je suspecte la valve dont le caoutchouc est abîmé par le trou de valve de la jante un peu juste. Je ne peux vérifier, faute de récipient empli d’eau pour identifier une potentielle fuite.

La roue réparée, je reprends ma route jusqu’à Benifallet où l’on m’offre trois oranges fraîches, sorties du frigo, que je comptais acheter. Les plantations de vignes et amandiers font place aux plantations d’orangers et, j’imagine au vu des feuilles en l’absence de fruits, pêchers. Je pense m’arrêter pour manger dans le village d’après, mais je tombe sur un unique restaurant qui me paraît gastronomique et qui ne m’inspire pas : je préférerais quelque chose de plus simple. Je poursuis donc mon chemin jusqu’au petit village de Bitem.

Descente vers la vallée de l’Ebre

Je rencontre sur la place de l’église un ancien qui apprécie beaucoup mon vélo et qui lui aussi me trouve fou d’entreprendre un tour de la péninsule en cette période. Je lui demande une adresse pour manger et il me dit que son voisin tient un restaurant dans le village qu’il m’indique en me disant « Dis-lui que c’est le garçon de la place qui t’envoie, on y mange bien, à bon prix, et on te traitera bien ». Je le remercie et me rends sur place où je trouve le patron, au téléphone avec le « garçon de la place » qui n’est autre que le boucher du village. Je m’imagine alors la raison de leur bonne entente. On me propose de rentrer le vélo et de m’installer dans une immense salle, semblable à une salle des fêtes, avec une scène à rideaux rouges et un écran blanc où un projecteur diffuse un reportage sur les surveillants de plages en Australie. Le restaurant fait penser à une sorte de grande cantine, qui se remplit petit à petit au fur et à mesure que l’heure avance. Le cuisine simple me convient mieux et je termine le repas revigoré.

Je traîne un peu avant de me remettre en route puisque j’imagine bien que les magasins de vélo doivent être fermés en début d’après-midi. J’arrive à Tortosa où je devrais pouvoir trouver un atelier qui m’aidera à résoudre mes problèmes. En demandant à une passante, elle m’indique un magasin qui se trouve un peu en-dehors de la ville. En approchant de celui-ci, je constate qu’il s’agit d’un Décathlon. N’ayant que moyennement confiance aux techniciens de la chaîne par expérience, je décide de chercher autre chose. En faisant des recherches je trouve un autre magasin mais qui est fermé. Je ne sais pas s’il est trop tôt ou s’il n’est simplement pas ouvert aujourd’hui. En rebroussant chemin, j’arrête un cycliste allant dans l’autre sens pour lui demander conseil. Il m’indique un magasin qui a un atelier, vendant toutes sortes de 2 roues, incluant motos et vélos électriques. Il me parle aussi de celui que je viens de trouver fermé, mais il n’a qu’un seul technicien à l’atelier, contrairement à l’autre et ouvre un peu plus tard. Je décide de tenter ma chance à Fabregues qui ouvre un peu plus tôt. N’ayant qu’une demi-heure à attendre avant l’ouverture, je décide de me rendre au magasin et d’attendre l’ouverture. Un homme attend aussi l’ouverture de l’atelier, j’en profite pour défaire mes sacoches puisque cela sera nécessaire pour inspecter la machine. D’autres cyclistes arrivent et je découvre qu’il s’agit tous de techniciens qui attendent l’ouverture de l’atelier pour se mettre au travail. L’atelier ouvre les portes un peu avant l’horaire d’ouverture mais ne prend pas de nouveau vélo avant l’heure. On me propose d’attendre à l’intérieur et on m’aide à rentrer mes sacoches.

L’heure finit par arriver, j’explique mon souci à un homme chargé de recevoir les demandes des clients, puis un technicien vient s’occuper de moi en me demandant quelle est la roue crevée à réparer. L’homme en caisse n’a manifestement rien compris. J’explique au technicien que j’ai un bruit de chaîne étrange et que je pense avoir un souci de jeu au niveau du corps de la roue libre. Il me dit qu’il va inspecter la roue et part dans l’atelier avec le vélo. Un moment plus tard, il revient et me dit que la roue n’a rien de suspect et que le jeu du corps de roue libre est simplement celui de l’ajustement. Il m’a légèrement réajusté les cônes en contact avec les roulements de la roue mais de la même manière, ce n’est selon lui pas la source de mon problème. Il me redemande les symptômes et je lui explique à nouveau. Il repart inspecter à nouveau le vélo puis revient me chercher en me faisant signe de l’accompagner. Je rentre dans l’atelier, un grand espace où il fait chaud. Certains s’activent autour de ce qui ressemble à un scooter, effectuant des points de soudure. Le technicien me dit « Regarde, tu vois la chaîne ? Elle a été assemblée avec plusieurs morceaux, et si on regarde bien, tu vois qu’ici, il y a des inscriptions et plus loin non. La chaîne a un sens de montage pour que la traction exerce sa force dans le sens prévu. Ici il y a deux morceaux qui sont dans le même sens, mais le dernier est à l’envers et en passant dans la transmission cela peut engendrer des frottements supplémentaires. » Je lui dis que c’est moi qui ai changé la chaîne et que je ne connaissais pas ce détail et le remercie de me l’avoir montré et expliqué. Il reprend « Un autre souci est le dérailleur, regarde si tu tournes cette vis (la vis d’ajustement de la tension du ressort du dérailleur), ton dérailleur se tend dans ce sens et se détend dans l’autre. Le ressort de ton dérailleur était beaucoup trop tendu. Je l’ai réglé mais maintenant, si tu regardes ici, tu vois que sur les petits pignons ta chaîne va frotter sur le dérailleur. Elle est un peu trop longue, il faut la réduire. La cassette va aussi poser problème avec la chaîne que tu as changée » Je l’arrête et lui dis que j’ai aussi changé la cassette. Il reprend « Ah ! Elle est aussi neuve ? J’ai aussi vérifié si la patte de ton dérailleur était tordue, j’ai fait un léger ajustement, mais cela ne devait pas poser problème. Très bien, je vais donc encore t’enlever un morceau de chaîne et remettre à l’endroit le morceau qui est à l’envers . » Il me laisse attendre encore un moment le temps de s’exécuter puis revient en me disant : « Maintenant sors avec le vélo, essaye-le et dis-moi si tu as encore un souci ». Je monte sur le vélo et au premier coup de pédale je sens que je n’ai plus de problème et reviens vers lui victorieux. Il me demande alors mon nom en me donnant le sien : Jordi. Il me demande aussi ce que je fais comme voyage et je lui explique. Il a l’air content de m’aider à pouvoir poursuivre l’aventure. Je lui dis que tout va bien, mais que j’ai encore un léger souci : mes amortisseurs manquent cruellement de pression. Il me dit alors que les amortisseurs doivent être réglés en charge. Il me demande donc de monter toutes mes sacoches et revient avec une pompe à haute pression. Il commence à gonfler l’amortisseur arrière, après avoir constaté que je n’avais effectivement que très peu de pression restante, puis me demande de m’installer sur le vélo pour évaluer si la pression est suffisante. Après quelques ajustements, il me dit de noter la pression qu’il a retenue comme étant un réglage satisfaisant : 290psi. Nous répétons l’opération avec l’amortisseur de la fourche que nous poussons à 170psi. Une fois le tout réglé, je remercie vivement Jordi qui attend à la caisse que je règle pour ensuite m’accompagner dehors et me souhaiter bonne route. Je lui demande avant de partir s’il connaît un endroit sympa pour passer la nuit vers le delta de l’Ebre. Il me conseille de voir les plages du côté de Poblenou qui sont a priori peu fréquentées. J’ai eu de la chance de tomber sur, j’ai bien l’impression, un chef d’atelier aussi compétent et proactif, ne se contentant pas de regarder uniquement ce qu’on lui demande.

Je repars sur la route, heureux d’avoir une machine qui tourne à nouveau rond et boosté par cette bonne opération qui n’a pris qu’un peu plus d’une heure pour régler l’ensemble de mes problèmes. Je rejoins assez rapidement Deltebre qui se trouve au milieu d’un paysage de rizières qui ressemble à la Camargue. Je m’arrête à une fontaine où une bande d’enfants sont intrigués par mon vélo. Je leur propose de l’essayer, un d’entre eux accepte, puis un autre veut aussi qu’on le filme sur l’étrange machine. Contents de leurs images, ils ne me prêtent plus attention et je repars.

Rizière du delta de l’Ebre et vue sur le relief de Tortosa
Une villa du delta de l’Ebre

Après un long effort pour rejoindre le petit village de Poblenou, je repère un peu la zone pour voir où je pourrais m’installer. Au bout d’un chemin terminant sur la mer, un homme me demande si je ne suis pas passé par Barcelone il y a peu. Je lui réponds que oui et lui dis que j’étais sur place dimanche. Il me dit alors qu’il m’a vu passer depuis sa voiture dans l’agglomération, le long de la nationale qui mène à Barcelone. En me voyant à nouveau, il se dit que ce ne peut être que moi avec cet engin. L’homme est un grand sportif qui a par le passé terminé plusieurs irons man mais qui a maintenant arrêté suite à une blessure. Il me dit que je pourrais effectivement dormir sur la plage, mais que je devrais faire attention aux moustiques.

Je retourne à Poblenou où j’ai remarqué en passant une sorte de fête du village. Il se trouve qu’une arène est installée où un taureau au centre se fait provoquer par des hommes qui tentent de l’attirer par de grands mouvements de bras, cris et tissus rouges. J’observe la scène, après avoir mangé en grande quantité dans un stand faisant un barbecue géant avec toutes sortes de pièces de viandes accompagnées de légumes grillés.

Je me mets en route pour rejoindre la plage en traversant une partie très marécageuse, constituant une réserve naturelle. Je croise beaucoup de voitures allant dans l’autre sens, l’endroit semble bien fréquenté. Arrivé sur la plage, je constate que la zone, effectivement semblable aux plages de Montpellier, est très fréquentée et il est évidemment interdit de camper. Je me trouve un endroit qui n’a pas l’air trop visible, mais la zone est globalement assez ouverte et n’offre que peu de relief pour se cacher. Je m’assois sur la plage en me disant que je m’installerai à cet endroit. Le soleil approche doucement l’horizon, une bonne brise souffle sur la plage et au loin se trouvent des nuages noirs et menaçants du côté de Tarragona. Je me dis que cette nuit commence à me rappeler sérieusement ma nuit sur la plage à côté d’Agde.

Soleil couchant sur les rizières

Le soleil ayant presque disparu, c’est l’heure de la volée, je commence à être attaqué par quelques moustiques qui se transforment rapidement en une nuée que le vent ne semble aucunement déranger. Je doutais jusqu’alors, mais cette fois-ci c’est sûr, les moustiques ont fini de me décider à fuir l’endroit et me trouver un coin moins infesté. Je pousse aussi rapidement que possible mon vélo en-dehors de la plage et me mets rapidement en route en roulant suffisamment vite pour ne plus me faire assaillir par les moustiques qui m’arrivent tout de même dans les yeux que je protège de ma main comme je peux dans les zones vraiment infestées. Je m’arrête brièvement regarder si une cabane d’observation ouverte ne pourrait pas servir à attacher mon hamac, mais je me rends vite compte qu’il s’agit d’une mauvaise idée vu la proximité de la route et la quantité de moustiques toujours présents.

Je continue de rouler longtemps jusqu’à arriver à la Rapita aux alentours de 22h30. Je cherche un endroit où je pourrais dormir, mais dans ce genre de ville côtière animée je ne vais avoir d’autre choix que de prendre de l’altitude dans la forêt où je serai tranquille. Après avoir traversé une bonne partie de la ville je repère un chemin sur ma carte qui pourrait faire l’affaire. Je m’arrête discuter avec un homme que j’ai déjà croisé avec son camion, s’arrêtant de conteneur à déchet en conteneur à la recherche d’objets intéressants. Il me dit qu’effectivement, je devrais essayer ce chemin, je trouverais sûrement quelque chose. Je traverse un quartier qui semble résidentiel se terminant par un chemin de terre qui part dans la forêt. La forêt est dense, le chemin juste assez large pour laisser passer mon vélo et la végétation assez dense. Je pousse mon vélo dans le noir éclairé par les flashs de mon phare qui s’allume à mesure que la roue tourne. Je suis proche de la nationale assez passante, il faut que j’arrive à rejoindre un chemin qui la traverse. Je tombe sur un petit tunnel passant sous la route et continue de m’enfoncer dans la forêt toujours aussi épaisse. J’entends des aboiements au loin qui ne sont pas pour me rassurer dans cette ambiance sombre et presque oppressante de par la densité de la végétation. Après de longues minutes à progresser dans ce layon à observer la zone, à la recherche d’un endroit propice à l’accroche de mon hamac, je finis par atterrir sur un chemin plus large qui s’ouvre sur une partie moins dense de la forêt. Je repère un endroit proche du chemin mais qui me semble tout de même relativement peu visible depuis celui-ci. Je décide de m’y arrêter. Je nettoie les deux arbres qui hébergeront mon hamac des branches mortes qui me gênent, j’installe mon hamac et m’allonge, soulagé d’avoir enfin un endroit où dormir, tranquille, et surtout dépourvu de moustiques.


Une réponse à “El Molar – La Rapita”

  1. Coucou Fabrice,

    Tes mésaventures avec les moustiques me font penser à celles vécues la semaine dernière par une amie, son mari et leur fille à Port Camargue…

    Bravo pour ta débrouillardise et réactivité !

    Bisous du Jura

Répondre à Giboudeaux Claire Annuler la réponse

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