15 Juillet 2022,
Je me réveille doucement avec la clarté montante du jour qui se lève. Je retrouve Baptiste et Liam dans la maison, Baptiste prépare un thé puis repart préparer ses affaires puisqu’il s’en va dans la matinée. Je fais de même après avoir pris un temps pour écrire les derniers jours. Finalement Baptiste et Liam s’en vont avant que j’ai fini de préparer mes affaires que j’alourdis d’un sac empli de figues bien mûres.
Je rallie Crest rapidement et arrive en fin de matinée chez Léo qui s’affaire déjà depuis un moment. Content de me voir, il a une proposition à me faire. L’ouverture entre ses deux bâtiments est terminée, il faut maintenant faire la sole et les jambages. Il me propose de couler la sole aujourd’hui et de rester pour réaliser les jambages le lendemain. Ayant déjà pour idée de m’attarder pour la soirée, j’accepte.
C’est un mur épais de 70cm en pierres de la Drôme assemblé par un mortier. L’ouverture creusée fait un peu plus de 2m de large, pour 2m50 de hauteur. Une saignée à l’intérieur du mur a été creusée afin d’y placer les chaînages du béton armé qui viendront soutenir l’ouverture. Nous commençons par déloger les dernières pierres qui gênent, puis nous nettoyons le fond de la future sole. Nous plaçons ensuite les chaînages dans les saignées en les fixant ensemble par des points de soudure.

Je m’occupe ensuite du coffrage de la sole en découpant des planches à la bonne taille que je viendrai fixer dans les solives de l’étage inférieur pendant que Léo prépare la maçonnerie et nettoie l’emplacement où nous allons couler le béton. Après une pause déjeuner bien méritée, nous nous attaquons au béton. La bétonnière ronfle, ingère gravier, sable, béton et eau que nous enfournons dans sa gueule béante. Les sauts se remplissent, les bétonnières s’enchaînent. Nous arrivons assez rapidement au résultat escompté.

Une fois le matériel nettoyé et rincé, nous retrouvons des amis de Léo pour une baignade dans la Drôme. Le niveau d’eau est bas mais suffisant pour réussir à s’immerger totalement en étant allongé. La sensation de l’eau s’écoulant sur tout le corps est exquise, les poussières et projections de béton assèchent la peau. Nous profitons de ce moment pour nous savonner : Léo n’a pas encore de douche. Il vit dans un environnement assez rustique. Les toilettes, bien qu’autrefois existantes, fuyaient. Il s’est résolu à détruire la cuvette ne laissant qu’un trou d’évacuation béant qu’il faut bien viser, des toilettes turques en quelque sorte. Les quelques points d’eau qu’il a pu mettre en place servent à alimenter la machine à laver, le lave-vaisselle, et un robinet volant ayant pour évier, un saut ou bac en dessous en fonction de l’humeur. Bref, toute occasion de s’immerger est bonne à prendre, et je ne suis jamais contre un bain dans la nature.
De retour chez Léo, nous prenons le temps de nous restaurer. Nous prenons ensuite la route pour rejoindre la soirée se trouvant au lieu-dit la rivière à Gigors et Lozeron. En chemin nous prenons une jeune fille en route pour assister au concert de son père à la Sye électrique, se déroulant à 1km de notre lieu de concert. La quantité d’événements culturels parait improbable pour la taille des villages environnants. Enfin arrivés à la rivière, nous croisons Anne-Claire et son ami Samuel sortant tout juste de sa voiture. Nous nous rendons donc tous ensemble à l’entrée de l’événement.
La rivière est un gîte acheté par un collectif et porté par l’intermédiaire d’une association : les Sye peupliers. Ils ont une belle salle de danse à disposition et essayent d’organiser des événements fréquemment. Le lieu est composé de nombreuses bâtisses étalées sur un flanc de colline terminant en un pique rocheux de la montagne, encadrant la vallée. J’apprends plus tard en faisant des recherches sur le lieu qu’il vise à accueillir voyageurs, résidences d’artistes, évènements culturels ou encore des stages. L’acquisition de ce lieu a pu se faire en partie grâce à de l’épargne solidaire : on prête son argent qui dort sans contre-parte, un prêt à taux 0 donc, pour une durée de 12 mois renouvelable, durée après laquelle il est à nouveau disponible sur demande. Lien vers le site du lieu.
Arrivé à l’entrée de l’événement, une jeune femme nous présente brièvement le lieu et nous informe des modalités d’entrée : le concert est à prix libre, les bénéfices d’entrée et du bar reviendront aux artistes. Une adhésion à l’association, avec une participation pécuniaire optionnelle, est aussi nécessaire afin de protéger la structure sous le couvert d’une soirée privée en cas de contrôle des forces de l’ordre. Passé l’accueil, nous marchons sur une allée de pierre encadrée par un bâtiment du côté gauche, une grande et belle terrasse couverte du côté droit. L’arrivé tardive nous permet tout de même de profiter des derniers morceaux de la roda de samba. Léo reconnaît parmi les musiciens Gabriel, dont je n’ai pas retenu le nom, le guitariste, qu’il a rencontré au Brésil à Mina Gerais, autour d’un stage de rythmique. Talentueux, les premiers morceaux ne permettent pas d’apprécier sa valeur. On le sent si à l’aise qu’il paraît presque s’ennuyer. La roda se termine, Léo m’offre un verre au bar. Je profite de cette pause pour saluer les quelques forrozeiros de la communauté lyonnaise venus profiter du gîte et du cadre le temps du week-end.
Avant le concert, une initiation au forro commence, animée par Carolina, pour initier les profanes. Je prends part à celle-ci : il est toujours bon d’avoir quelques bons danseurs pour aider et guider les débutants. Pendant l’initiation je danse avec une fille assez grande, brune, aux cheveux bouclés, se débrouillant bien pour une première fois. Lui faisant part de mon projet de voyage elle me dit qu’elle a plusieurs contacts en Espagne de lieux sympathiques à découvrir, notamment à Figueras. Elle me propose de prendre le temps, plus tard dans la soirée, pour échanger ceux-ci, ce qui n’arrivera finalement pas. Léo se prête au jeu, une fois l’initiation terminée, il me fait part de sa joie de renouer avec le forro puisque les dernières expériences sérieuses d’un cours qu’il suivait avaient fini par le fatiguer.
Le bal commence, Gaëlle, une Lyonnaise, m’invite à danser pour un tour de chauffe. J’enchaîne les danses tout au long du bal tantôt avec les danseurs de la région, tantôt avec les Lyonnaises ainsi qu’Anne-Claire. Le sol de la terrasse réserve quelque surprises : il est composé de cubes de bois insérés dans le sol jointés par du sable ou de la terre ; cependant une partie d’entre-eux ne tiennent plus vraiment en place, il leur arrive de sortir de leur logement sous les pieds, parfois déchaînés, des danseurs. Je partage quelques morceaux avec Léo qui se trouvera être mon unique guide de la soirée.
Le bal se termine après un rappel des danseurs qui n’ont aucune envie de s’arrêter. Un membre du collectif animant le lieu annonce qu’il est possible de continuer à danser dans la salle de danse. Les gens restent au-dehors sur la terrasse, prennent leur temps, et profitent du bar. Carolina, initiatrice, et chanteuse pendant le bal, n’a pu profiter de celui-ci, occupée à rythmer la cadence au son du triangle et de sa voix. Intriguée par mon débardeur, inscrit d’un « Warning I’m infected with forro, it is contagious », elle me propose une danse pour combler son envie.
Les discussions vont bon train et l’assistance peine à se déplacer à la salle de danse que je finis par rejoindre avec Léo. Nous retrouvons les Lyonnais dont l’énergie quand il s’agit de danser semble intarissable. Léo finit par s’en aller profiter du ciel étoilé ; je le rejoins un bon moment plus tard, après un cercle circassien à l’étage où les artistes se sont mis à jouer des airs de folk. Nous profitons ensemble encore un peu de la fraîcheur et de la voûte étoilée puis nous reprenons la route vers Crest.
Arrivés chez Léo, tout deux curieux d’observer le séchage du béton réalisé, nous nous empressons de venir inspecter et tâter la surface. Avec les fortes chaleurs, il semble avoir déjà bien pris. Nous nous écroulons enfin dans le lit après cet journée bien remplie.
16 juillet 2022,
Réveil après une bonne nuit de repos, je m’attable avec Léo autour d’un thé pour moi, café pour lui. Nous prenons le temps de laisser les corps se réveiller, d’apprécier le travail du jour à effectuer et de déjeuner tranquillement. Les jambages que nous allons réaliser nécessitent un coffrage, qu’il faut bien réfléchir. Je profite donc de ce moment de réflexion pour rédiger ces premiers jours de voyage bien remplis. Finalement, je rédigerai toute la matinée, aidant ponctuellement Léo à maintenir certaines planches de l’armature du coffrage en place.
Après une bonne pause déjeuner nous nous attaquons au gros de l’ouvrage : couler le jambage. Le coffrage semble bien tenir en place. Nous fixons les premières planches aux armatures latérales du coffrage, formant ainsi le contenant qui accueillera le béton, puis nous monterons progressivement, planche par planche jusqu’à atteindre les 2m30 voulus.
Nous nous répartissons les tâches. Je m’occupe de préparer le béton et de monter les sauts. Léo prépare la maçonnerie en l’hydratant, le coffrage en ajoutant progressivement les planches au fur et à mesure et les quelques chutes de pierre que nous ajoutons dans le béton une fois coulé pour économiser de la matière. Il ajoutera aussi les étais qui reprendront la charge une fois que la hauteur de béton commencera à être conséquente.
En forme au début, l’œuvre avance bien. Je finis, au bout de deux heures, par fatiguer de ce travail rude. Les sacs de 35kg se font plus lourds, je renverse plus fréquemment du béton en-dehors des seaux que j’achemine à l’étage, je sens également ma peau qui commence par endroit à sécher sous l’effet du béton. Nous commençons à manquer de sacs de sable. Léo propose donc une pause le temps qu’il achète le reste des matériaux manquant.
De retour nous déchargeons les sacs de sable et les quelques sacs de mélange à béton déjà prêt puis nous nous remettons au travail. Je prépare encore une ou deux bétonnières avant d’accepter que Léo prenne le relais. Nous sommes alors à 1m70 de hauteur. Relayant Léo à l’étage, je commence à fixer les planches du coffrage, nous avançons bien et recevons la visite tour à tour de plusieurs voisins. Une habitante de la rue, que Léo a rencontrée la veille au soir, s’arrête le saluer. Malheureusement, elle arrive au moment où l’une des planches que j’ai fixées au coffrage cède : la hauteur du béton a eu raison de la vis partie légèrement de travers, plantée en biais dans la planche de l’armature. Heureusement nous arrivons avec d’autres vis et à coups de marteau à maintenir la planche en place en sécurisant le point faible par un étai. L’incident ayant coupé court à la discussion, nous nous remettons au travail.
A l’approche de 19h nous sommes presque arrivés aux 2m30 attendus. Il est temps de mettre en place le niveau laser pour s’assurer de la hauteur de l’ouvrage. Nous le fixons avec du scotch à une planche et l’ajustons à la bonne hauteur avec des cailloux en guise de rehausse. Je prépare les dernières planches du coffrage afin qu’elles atteignent la bonne hauteur, puis je lance le dernier sac de mélange à béton qui servira à compléter l’ouvrage.

20h30, nous avons enfin fini ! Après rinçage et rangement du matériel Léo me propose un plan douche chez des amis dont il détient la clef à cet effet. Nous prenons deux vélos et nous rendons chez eux. Nous prenons l’apéro chez les amis de Léo autour d’une bonne bière, nous relayant tour à tour à la douche. S’ensuit un retour chez Léo pendant lequel je croise à nouveau Anne-Caire, mon amie crestoise, attablée à un restaurant en terrasse. Après un dernier au revoir, je prépare quelques légumes qui accompagneront les pâtes au pesto pour le repas.