4 septembre 2022
J’ouvre les yeux sur un ciel rougeoyant préparant l’arrivée de l’astre solaire. Mon tarp, qui me sert à me protéger du sable, ainsi que mon sac de couchage, sont humides, voire mouillés de la rosée du matin. J’étends donc mon sac de couchage sur mon vélo pour le laisser sécher au soleil une fois qu’il aura percé l’horizon. En attendant, je commence par nager un moment, puis j’enchaîne par un peu de yoga et déplacement de mouvement naturel.


Je roule quelques kilomètres, m’arrête prendre un « almuerzo » dans un bar. Je poursuis jusqu’à San Javier, où un petit marché d’artisans, vendant toutes sortes de choses, a lieu. Je m’arrête devant le stand d’une vendeuse de produits cosmétiques maison, elle vend principalement du savon mais également des protecteurs solaires ainsi que d’autres baumes et onguents. Tous ces articles sont réalisés à base de produits naturels. Je me suis arrêté à son stand puisque mon shampooing solide ne l’est plus vraiment et presque terminé. Je lui demande alors un shampooing solide. Elle commence à m’en conseiller un, puis en lui exposant mes contraintes, elle me conseille un autre savon plus dur qui peut être utilisé pour tout le corps ainsi que pour la barbe si je décide de me raser à un moment donné. J’additionne à cela un protecteur solaire dont je commence à manquer, surtout en ces zones désertiques.
En discutant de mes problématiques avec la vendeuse, elle propose de me donner un petit sac filet en nylon pour stocker mon savon afin de le faire sécher. La ficelle présente pour le fermer initialement s’en est allée, elle me dit alors qu’il lui faudrait une aiguille pour passer la ficelle. Je sors mon kit de couture et lui passe la plus grosse aiguille en ma possession et elle s’exécute, passant au travers un bout de ficelle en rafia. « Tu es bien préparé, tu as tout pour ton voyage ! Si je pouvais revenir en arrière, je voyagerais comme tu le fais maintenant. » me dit-elle. « En ce moment Murcia est en fête, c’est intéressant, tu devrais aller voir, tu trouveras aux « Huertos Malecon » une sorte de foire où de nombreux stands vendent toutes sortes de tapas pendant que d’autres proposent dégustation de vin, fromages et jambons. Il faut que tu goûtes les « paparajotes ». Ce sont des beignets faits à partir d’une feuille de citronnier que l’on trempe dans la pâte qui est ensuite frite dans l’huile. Attention à ne pas croquer les beignets, on ne mange que la pâte et non la feuille. Il faut aussi que tu demandes un « zarangollo », il s’agit d’un sauté de courgettes, oignons et œufs, typique de la région. » Un monsieur aussi présent au stand m’apporte de l’eau pour essayer le type de savon que l’on me vend pour avoir une idée de la texture sur la peau, notamment dans le cas du rasage. Il me conseille également de passer à Murcia et me remémore ces noms de plats que je peine à retenir.
Je repars alors en direction de Murcia, au lieu de Cartagena, comme j’imaginais initialement. Sur la route je passe au milieu de champs souvent avec une terre à nu s’ils ne sont pas couverts par les serres de plastique blanc. Je trouve encore quelques champs d’orangers et de pastèques jaunes qui arrivent à maturité : une grande partie des plants sont grillés, laissant leurs fruits jaunes au bout des tiges sèches. Un faible dénivelé positif m’accompagne pendant de nombreux kilomètres, je finis par croiser à nouveau la véloroute 8 qui passe dans la région. Je profite de la signalisation pour la suivre : elle passe par Murcia. La région de Murcia, ou du moins sur le chemin que j’emprunte, me paraît plus sale que les zones que j’ai pu traverser jusqu’alors : de nombreux déchets jonchent les routes parfois en sorte de dépôt sauvage, ou fréquemment le long de la route. Il m’arrive de m’arrêter parfois et de faire mon colibri en ramassant quelques déchets que je transporte jusqu’à une poubelle de tri, parfois de nombreux kilomètres plus loin. Alors que je suis en train de ramasser quelques canettes dans un champ, une moto en sens inverse passe et me lève le pouce probablement pour encourager et saluer mon geste.
Je poursuis mon chemin en attrapant la roue d’un cycliste en vélo de route ; je le suis pendant quelques kilomètres puis l’abandonne lorsque le dénivelé ne me permet plus de supporter le rythme. Arrivé au col « puerto del Garruchal », je décide de m’arrêter au restaurant sur place. Un jeune homme me dit qu’il m’a croisé plus bas à San Javier. Il me pose quelques questions sur ma logistique puis je rentre dans le restaurant dont je ressors quelques minutes plus tard n’ayant toujours pas été reçu. Je décide que je poursuivrai jusqu’à Murcia qui n’est plus très loin, d’autant que la route offre une bonne partie de dénivelé négatif. La descente vers Murcia est magnifique, je suis entouré de montagnes en nuances de rouge, assez hautes, que la route contourne jusqu’à rejoindre la vallée où se dresse Murcia.


Je tombe sans trop de difficulté sur les « Huertos Malecon » qui semblent animés uniquement en fin de journée. Quelques stands sont ouverts et vendent de la nourriture aux rares passants. Je m’installe à une table pour manger, je demande conseil à la serveuse qui m’indique son plat préféré de la carte, qui présente plus une variété de plats andalous. Les pommes de terres sautées qui me sont servies viennent avec un aïoli succulent dont je m’amuse de la sonorité du mot en espagnol : « alioli ».
Je passe un moment à écrire et à réfléchir sur ce que je vais faire : j’aimerais profiter de la foire et je dois donc trouver une solution d’hébergement. Je trouve une adresse d’auberge de jeunesse non loin de l’endroit où je me trouve. Je décide de me rendre sur place quand je serai lassé par l’écriture. Au moment de me déplacer, je monte sur mon vélo et je sens que mon pneu avant ripe et glisse sur le sol. Je ne comprends pas pourquoi et constate quelques secondes plus tard le même phénomène. Je regarde alors mon pneu et remarque qu’il est dégonflé. Je retourne m’installer au bar pour procéder à la réparation de la chambre à air. J’arrive finalement à l’auberge de jeunesse, ils ont encore de la place. Je réserve alors une nuit et réserverai la suivante le lendemain si je décide de rester une nuit de plus. La réceptionniste, Gabi, est argentine en tant que « volontaire » en « workaway » : elle bénéficie du logement gratuit en échange de quelques heures de travail par semaine. Le frère de Gabi, Faku, est présent sur place de la même manière, ils sont arrivés 7 mois plus tôt et se relaient avec d’autres « volontaires » ou travailleurs pour tenir le lieu. Ils sont très sympathiques et sont attablés autour d’une petite table d’extérieur, sur laquelle se trouvent graines et cacahuètes, avec d’autres jeunes clients ou anciens clients de l’auberge de jeunesse. Je discute brièvement avec eux et leur laisse mon sac d’amandes fraîches à ouvrir le temps de me rafraîchir à la piscine et me doucher.
Je rencontre à la piscine une jeune Française venue pour un échange universitaire de 6 mois. Je lui parle de la fête de la ville dont elle n’est pas au courant et elle me propose de se retrouver plus tard pour faire un tour. J’accepte et la laisse à ses occupations. Une fois frais et disponible, je retourne à la terrasse extérieure où le petit groupe de jeunes continue de discuter. Je m’installe auprès d’eux et rejoins la discussion. Le groupe est constitué d’une Catalane de Barcelone, une Chilienne, travaillant également à l’auberge, une Française, ainsi que les deux Argentins. La discussion vire au bout d’un moment sur un long débat sur les options économes pour le repas du soir. Le débat se clôt par l’option tacos maison. Certains s’en vont faire quelques achats, pendant que Faku, s’occupe de préparer et découper le poulet. J’entreprends alors d’ouvrir ma réserve d’amandes à coups de pierre. Pendant que je m’affaire, la jeune Française de la piscine me demande si je veux aller en ville avec elle. Je lui dis alors que oui, après avoir terminé mon affaire, ce qui me prend quelques minutes supplémentaires.
Nous nous rendons alors aux Huertos Malecon qui sont maintenant bondés. Sur le chemin elle me dit qu’elle a rendez-vous avec une autre étrangère qu’elle a rencontrée via facebook un peu plus loin en ville. Je la laisse donc continuer et me promène un peu aux Huertos Malecon. Il y a maintenant trop de monde à mon goût, tous les stands de restauration et bars à tapas sont pleins à craquer. Je trouve un petit vendeur de maïs grillé qui n’est pas trop pris d’assaut, alors je décide de commander un épi que je commence à grignoter. Je me rends ensuite un peu plus loin où je trouve un stand qui ne vend que des paparajotes. Je me dis alors que je vais en prendre une dizaine pour faire découvrir la chose au groupe de jeunes qui doit être en train de préparer les tacos, ce qui me permettrait de participer si jamais je venais à prendre part au repas. Je goûte un des beignets que je trouve très bon avec un goût citronné subtil apporté par la feuille.
En arrivant à l’auberge de jeunesse, le petit groupe est à nouveau assemblé autour de la table extérieure autour de plusieurs plats qu’ils se passent pour emplir les tacos. En me voyant ils me disent qu’il ne manquait plus que moi. Je présente alors les « paparajotes » que personne ne connaît et que tout le monde semble content de pouvoir découvrir après les tacos. Je m’installe autour de la petite table basse et commence à emplir une galette des plats qu’on me passe : un mélange de tomates, oignons crus, le poulet cuit et assaisonné, un guacamole, et du fromage râpé. Une fois rassasié, chacun goûte un « paparajote » puis nous continuons la soirée sur le toit terrasse de l’auberge de jeunesse.