5 septembre 2022
J’ai passé une bonne soirée la veille et je n’ai pas encore beaucoup visité la ville. Je décide de rester une journée de plus à Murcia et réserve une nuit supplémentaire dans cette auberge de jeunesse où je me sens bien. Je passe une bonne partie de la matinée à écrire jusqu’à ce que je commence à avoir faim. Je me rends à pied plus loin dans la rue où j’ai repéré une petite épicerie où j’espère trouver également de quoi faire du pain. Sur le chemin, je tombe sur un petit bar du coin, qui pourrait passer inaperçu, dépourvu de devanture. Je m’arrête pour prendre un almuerzo. En demandant où se trouve l’épicerie, la serveuse et cuisinière m’indique que le patron de l’épicerie est attablé juste à côté, elle lui demande si ils sont ouverts. C’est le cas mais uniquement jusqu’à 14h.
Je ne trouve rien à l’épicerie, je décide alors de me promener en ville. Je passe dans une allée de pelouse encadrée par des arbustes qui se transforment en romarin et même un petit plant de sauge. Je ramasserai au retour quelques brins de sauge à infuser et de romarin pour le pain. Je me perds un peu dans les rues de la ville en passant à nouveau dans les « Huertos Malecon » qui se trouvent déserts à cette heure-ci. Après une pause pour une boisson glacée, je trouve un supermarché qui a enfin de la levure boulangère ainsi que de la farine correcte, qui me permettra de faire un bon pain au romarin.
Je retourne tranquillement à l’auberge de jeunesse, collecte romarin et sauge en chemin, puis prépare la pâte pour le pain. Je profite du long repos de la pâte pour un plongeon dans la piscine, nettoyer à la main quelques habits puis m’installer à une table pour écrire accompagné d’une infusion de sauge. L’écriture est entrecoupée par le travail de la pâte pour former le pain qui lève encore une petite heure avant que je l’enfourne dans le petit four de l’auberge. Le résultat est satisfaisant, le pain est beau. L’après-midi touche à sa fin, je profite d’être libéré de ce travail pour me rendre seul aux Huertos Malecon pour goûter les tapas locaux. Je trouve un endroit avec une table disponible mais déjà bien occupée. Chacun à son rôle, deux jeunes femmes s’occupent des commandes qu’elles passent avec un téléphone, pendant que d’autres font des allers-retours entre la cuisine et les tables pour servir les plats étiquetés avec le numéro de la table. On finit par s’occuper de moi. Je commande une salade murcienne, composée de tomates assez juteuses, oignons, œuf et thon. La suite sera le zarangollo que l’on m’a conseillé de goûter la veille : un sauté de courgettes, oignons et œuf que l’on me conseille d’accompagner de pommes de terre et aïoli. Je termine par un paparajote. Débordé par l’afflux de gens, je peine à me faire encaisser puis finis enfin par partir. Je m’arrête devant la scène qui doit donner lieu à un concert dans une bonne demi-heure. Je suis fatigué et décide de repasser à l’auberge pour me reposer un peu. Je pense alors retourner au concert mais je finis par passer le reste de la soirée avec la Catalane du groupe de jeunes de la veille puis avec Faku, l’Argentin travaillant à l’auberge. En goûtant mon pain il me dit que je suis bon à marier. Je lui réponds qu’après avoir goûté aux tacos de la veille, lui aussi ! Nous passons encore un moment à papoter, échanger nos contacts, puis je pars me reposer pour reprendre la route le lendemain.
6 septembre 2022,
J’ai décidé que je passerai par les montagnes de l’Espuna qui me paraissent intéressantes à traverser. Je charge mon vélo de mes affaires et quitte l’auberge chargé d’un bon pain au romarin maison. Je m’approche rapidement de la montagne que je distingue au loin. Je m’arrête emplir un sac en plastique d’amandes fraîches puis continue vers Fuente Librilla. Je m’arrête observer un moment depuis le mont juste avant le village les grands champs de panneaux solaires que j’aperçois au loin.

Je continue et commence mon ascension du massif vers El Berro. Je m’arrête au village m’acheter de quoi pique-niquer dans l’épicerie tenue par une Espagnole qui a longtemps habité à Toulouse, parlant un français avec l’accent toulousain ! Je lui prends du fromage, avocat, tomates et chorizo.
Je poursuis mon ascension. Je repère sur la carte un cours d’eau avec une cascade ou plutôt un saut qui doit être un endroit sympathique pour déjeuner et se rincer si la rivière n’est pas à sec. M’approchant de l’endroit, j’entends couler de l’eau. Je décide alors de descendre le petit chemin qui mène à la cascade. Il est assez étroit et plus long que ce que j’imaginais. Je longe de petits canaux, passant par de petits aqueducs. Je finis par atteindre l’endroit supposé de la chute que je trouve évidemment à sec.

Je consulte la carte et constate qu’un chemin suivant le lit de la rivière semble remonter à la route. Je décide donc de le suivre et me retrouve à passer des passages difficiles présentant de grosses roches à franchir. Sur une partie plane et relativement praticable du chemin, j’entends subitement mon pneu arrière qui se dégonfle d’un coup. J’inspecte le pneu et je finis par comprendre ce qu’il vient de se passer : je trouve dans mon pneu une entaille qui termine de rompre à l’instant. Impossible de changer de chambre à air puisque le pneu est hors de service. Je suis alors perdu au milieu d’un chemin que personne ne fréquente, dans la forêt, au fond d’une vallée escarpée difficile à franchir pour rejoindre la route. Je réfléchis alors à un plan pour me sortir de cette situation. Je me souviens qu’un ami m’a un jour dit qu’en cas de pépin en sortie VTT, comme on se retrouve souvent en pleine nature, loin de tout, il est possible de bourrer le pneu d’herbe pour continuer son chemin jusqu’à retrouver des zones habitées afin de préserver la jante. Je pense alors que cette solution me tirera d’affaire. Cependant, je ne peux me permettre de l’appliquer à cette roue qui supporte tout le poids du vélo. Je commence donc par intervertir le pneu avant avec le pneu arrière. L’opération terminée, le pneu gonflé, je commence à amasser de l’herbe que je trouve au bord du chemin pour bourrer mon pneu hors de service qui se trouve désormais à l’avant. Cela me prend un bon moment et est plus difficile que ce que j’imaginais initialement. Je dois à plusieurs reprises me servir de mes démonte-pneus pour replacer le pneu en position afin que l’herbe reste à l’intérieur du pneu et compléter les zones qui ne sont encore pas suffisamment garnies pour protéger la roue. Finalement satisfait de mon montage, je remonte ma roue débordant de brins d’herbe. Après la voiture qui tourne à l’huile de tournesol, voici maintenant le vélo qui roule à l’herbe.



Je poursuis ma progression sur le chemin de terre. J’arrive à une intersection qui semble remonter dans la direction de la route. Je commence à suivre ce chemin mais la pente est trop forte et le sol pas suffisamment stable pour m’apporter un appui suffisant pour pousser le vélo chargé des sacoches. Je parviens à le hisser à quelques dizaines de mètres jusqu’à ce que je glisse et m’ouvre superficiellement le genou droit sur les cailloux. Je décide alors qu’il est temps de faire une pause pour me restaurer et reprendre des forces avant de continuer à me sortir de cette situation difficile. Heureusement, j’ai de quoi me sustenter. Je n’ai plus beaucoup d’eau et termine ma réserve après mes dernières bouchées de pain. Une fois restauré, je pars repérer les prochains mètres à franchir. Le chemin est encore en pente assez forte puis s’adoucit mais se rétrécit, encadré par des arbustes. Je décide alors de me charger des trois sacoches les plus lourdes, ne reste alors sur mon vélo que la sacoche avec mes habits, mon hamac, mon cadenas et les petits panneaux solaires. Je commence l’ascension de la côte avec mes sacoches. J’imagine la route proche mais à chaque colline que je franchis, j’en trouve une suivante. Il me faut un bon quart d’heure de marche pour atteindre finalement la route. En traversant je trouve une sorte de refuge où coule très doucement une source étiquetée comme non potable. J’abandonne mes affaires au refuge que je contourne et je tombe, non loin de là, sur un parking devant une sorte de grand bâtiment de garde forestier. Une femme sort à ce moment du bâtiment. Je lui explique ma situation et lui dis que j’ai alors besoin d’eau. Elle me dit qu’il n’y a rien dans la région, elle me dit qu’elle peut cependant me donner une partie de son eau qu’elle part chercher dans le bâtiment. Je profite des toilettes pour m’alléger, et me rafraîchir le visage. De retour avec l’eau, la garde forestière m’indique la ville la plus proche où je devrais pouvoir réparer mon vélo. Je la remercie bien et me dirige à vide vers mon vélo pour le sortir de la forêt. Je commence à m’attaquer à la forte pente, qu’il m’est maintenant possible de franchir. Je commence à hisser mon vélo sur la partie la plus pentue, nécessitant parfois de soulever le vélo. J’arrive enfin à la route après avoir passé la zone étroite encadrée par les arbustes. Bien que mon vélo soit toujours muni d’un pneu hors de service, je me sens déjà tiré d’affaire.
Je charge mes sacoches sur le vélo puis m’installe sur celui-ci et commence à rouler avec ma roue pleine d’herbe : je dois avoir une quinzaine de kilomètres de descente à parcourir pour atteindre le magasin de vélo le plus proche. Je suis étonné de la relativement bonne tenue du montage. Je suis évidemment secoué par la roue qui est loin d’être ronde puisque l’herbe se répartit et se tasse comme elle l’entend dans la roue. Je sens au bout d’un ou deux kilomètres que l’herbe semble se répartir dans les zones bien remplies laissant les zones lésées de plus en plus vides. Je m’arrête alors à plusieurs reprises pour ajouter de l’herbe à ces endroits qui me semblent insuffisants pour protéger correctement la jante.
Je suis à nouveau à court d’eau et je suis assoiffé. J’arrête alors une voiture en sens inverse qui monte dans le massif. Je leur demande de l’eau et ils me tendent une petite bouteille que je m’empresse de boire. Elle est suivie d’une voiture de la « guardia civil », une sorte de police municipale qui vient en aide à la police et aux pompiers. Ils s’arrêtent et me demandent si je vais bien. Je leur explique ma situation, que je suis en manque d’eau, mais qu’en l’état je devrais arriver à rejoindre la ville la plus proche pour réparer mon vélo. Ils me donnent alors d’autres petites bouteilles d’eau fraîche, stationnent sur le bas côté et me disent d’attendre, ils vont voir si et comment ils pourraient m’aider : d’après eux j’ai encore un long morceau de chemin à parcourir pour rejoindre Alamha de Murcia. Enrique et Rocio me proposent alors d’embarquer la roue défectueuse avec eux pour la faire réparer dans un magasin de vélo. Je démonte alors ma roue et leur donne suffisamment d’argent liquide pour qu’ils puissent changer le pneu puis j’échange mon contact avec Enrique pour que nous puissions échanger en cas de problème.
Ils repartent alors avec ma roue et me laissent seul au bord de la route de montagne. Mon problème est en passe d’être totalement résolu, je me pose alors sur une pierre consulter mon téléphone puis ouvrir les amandes que j’ai avec moi. Cela m’occupe jusqu’à ce que Enrique et Rocio reviennent avec la roue réparée. Un nouveau pneu, type VTT, a été monté sur la roue avant, n’ayant pas de pneu similaire au mien en stock, ce qui pour l’heure est de l’ordre du détail : je vais enfin pouvoir reprendre ma route ! Je remercie vivement Enrique et Rocio et leur laisse une partie des amandes fraîchement ouvertes en guise de remerciement. Enrique me dit que si je rencontre un autre souci, je n’hésite pas à le contacter à nouveau.
Je reprends ma route et décide alors de rejoindre la vallée, je suis suffisamment fatigué par l’aventure du jour. Je roule jusqu’à la Hoya, j’arrive sur place à la tombée de la nuit. Je ne sais alors pas encore où dormir. En roulant aléatoirement dans le village, je tombe sur un panneau indiquant le parc « de la Salud » (la santé). En regardant ma carte je constate que le parc se trouve un peu plus haut dans le relief montagneux et me semble un endroit paisible. Je roule en direction du parc, je constate que des petits pins sont plantés le long de la petite route menant au parc. Une voiture est arrêtée sur la route, je demande à une dame avec son chien si le parc est une bonne option pour dormir en hamac. Elle me confirme mon intuition. Je lui demande quels sont ces pins qui longent la route. Elle m’explique qu’ils ont été plantés en janvier et que chacun d’eux est parrainé par une famille du village. Elle est venue arroser le sien qui est malheureusement en train de sécher. Je trouve l’initiative intéressante : le paysage est aride et dénué d’arbres jusqu’au parc qui se termine en forêt s’étendant ensuite dans la montagne.

J’arrive au parc qui est encore bien fréquenté par les coureurs qui profitent de la fraîcheur de ce début de nuit. Je décide de alors de hisser mon vélo à l’orée de la forêt pour être tranquille. J’installe mon hamac puis redescends au parc m’installer avec un petit groupe d’Arabes venus fumer la chicha en profitant de la magnifique vue sur la vallée. Ils viennent du Maroc et certains d’entre eux souhaiteraient venir s’installer en France. Cependant, la législation espagnole étant plus souple, il leur est plus facile de pouvoir séjourner et vivre légalement en Espagne. Ils travaillent tous dans les exploitations agricoles de la région. C’est un travail difficile, d’autant plus en cette période encore assez chaude. Ils sont très sympathiques, ils échangent un peu avec moi pendant que je mange puis continuent à parler en arabe entre eux. Ils finissent par s’en aller en me souhaitant bonne chance et bon voyage, puis je pars rejoindre mon hamac pour la nuit.