27 Août 2022,
Je vérifie mes messages et constate que Ulise, un contact que m’a donné Cas, sur le bateau entre Ibiza et Valencia m’a répondu en me disant qu’il ne serait pas présent dans son lieu communautaire dans la région de Sueca mais qu’il serait présent le lendemain. Je lui réponds alors que je réfléchis à mon itinéraire et que je lui confirmerai ma venue dans la journée.
Je poursuis la matinée en sortant avec Alfredo et Sandra prendre le petit-déjeuner dans une horchataria qu’ils affectionnent. Nous nous arrêtons d’abord dans leur coin de jardin qu’ils louent et cultivent sur une petite parcelle proche des champs de souchet. Nous rencontrons un de leurs voisins de jardin, synthétique dans ses propos, très sympathique qui parle français : il a vécu une bonne quinzaine d’années en Bretagne et se rend sur place tous les ans retrouver ses amis, sauf depuis que le Covid a sévi.
Arrivé à l’horchataria, je constate que l’enseigne, très ancienne, présente une photo de Dali, dans son menu, qui s’est un jour rendu dans ce lieu. Sandra me montre sur la carte la « coca de llanda » un gâteau typiquement valencien. Je décide d’en prendre un morceau accompagné de 2 « fartones ». Lorsque je suis servi, je suis surpris par la taille des portions que j’imaginais alors bien plus petites. Autour de ce petit déjeuner, Sandra et Alfredo me parlent de la fête des fallas qui se prépare tout au long du mois de mars. De grandes statues de bois sont érigées et ensuite incendiés le 19 mars pour fêter l’arrivée du printemps. Des sculptures plus petites appelées « ninots »font l’objet d’un concours dont le vainqueur se retrouvera épargné et conservé dans le musée des « ninots ». Ils me disent qu’à cette occasion aux alentours de midi, tous les jours, sur une place principale de la ville, retentissent des milliers de pétards qu’ont alors le droit d’incendier les gens dans un vacarme retentissant dans la ville entière. Une expérience qu’il semble très intéressante à vivre.
Nous poursuivons la matinée par une balade dans le centre. Mes guides me promènent de place en place, me parlent de la place où a lieu le « procès de l’eau » où se rassemblent traditionnellement des notables en cercle toutes les semaines pour discuter et décider de comment sera distribuée l’eau pour l’irrigation de parcelles de cultures. Cela s’est un peu perdu depuis la pandémie et Sandra ne sait me dire si cela a toujours lieu. Nous partons ensuite découvrir l’immense marché couvert de Valencia que m’a recommandé la vendeuse d’horchata de la gare du nord. J’achète du jambon ibérique, que je n’ai pas encore dégusté depuis que je suis en Espagne, dans l’idée de me faire un sandwich le lendemain. Après notre tour en ville, nous nous rendons dans une « arroseria » où se préparent de grandes paellas divisées en portions individuelles très bon marché. Nous avons réservé en sortie de petit-déjeuner afin de pouvoir avoir une portion.
Alfredo travaille l’après-midi. Il est temps pour lui de se rendre au bureau. Nous le saluons et je pars manger avec Sandra la portion de paella, ou plutôt riz aux légumes si l’on veut être correct dans les termes : la paella est l’ustensile pour cuisiner différents plats de riz (arroz) ou équivalent avec des pâtes (fideua). Elle m’amène dans un parc qui lui aussi a été inauguré récemment. Nous nous installons au bord d’une fontaine et nous régalons de la portion de riz qui est excellente, suivie d’un riz au lait tout aussi bon. Nous faisons un tour dans le parc, à observer la partie potagère bien entretenue offrant encore quelques tomates cerises. Nous poursuivons dans une pâtisserie très connue et prisée : « el dulce de leche » pour nous rafraîchir d’un thé glacé. Je laisse ensuite Sandra à ses occupations en me dirigeant vers le « rio », fleuve en français, qui est l’ancien lit du fleuve, dévié suite à une grande inondation, transformé en coulée verte. Je tente de faire une sieste sur l’herbe mais je finis rapidement par être dérangé par les insectes habitant la pelouse. Je continue de me promener en ville jusqu’à l’heure de retrouver les danseurs de forro en face de la plage. J’ai proposé à Alfredo de me rejoindre à la sortie du travail. J’attends l’arrivée des danseurs qui, comme le veut la coutume, arrivent rarement à l’heure. Deux jeunes vendent du maïs grillé à côté de l’endroit où nous devons danser, j’en profite pour leur acheter un maïs agrémenté de piment, sel, poivre et huile d’olive. Il est doux et excellent, il me disent que c’est la saison et le meilleur moment pour en consommer.

Les danseurs arrivent petit à petit, ils me disent qu’il n’y a pas beaucoup de monde par rapport à d’habitude, probablement puisqu’il s’agit du dernier week-end du mois d’août. La faible fréquentation me permet d’échanger plus longuement avec mes différents interlocuteurs. Je retrouve Noelia, une Espagnole très chouette, bénévole au festival de forro. J’avais pu danser et échanger avec elle pendant le festival. Elle est surprise de me voir et me demande ce que je fais là. Je lui explique alors la boucle que j’ai effectuée et les circonstances qui ont donné lieu à ce moment. Nous dansons ensemble, puis pendant un tour, une fois les yeux ouverts, j’aperçois Alfredo qui est arrivé et observe la scène assis sur le cadre de son vélo, les coudes sur le guidon en souriant.
La danse terminée, je rejoins Alfredo pour l’accueillir et lui expliquer un peu comment se passe généralement les soirées forro. Je lui propose de l’initier. Il s’essaye aux pas de base. Il a un peu de mal au début, notamment avec le rythme, mais je sens une progression au fur et à mesure des essais. Nous essayons d’abord côte à côte puis ensemble afin de lui donner une idée de ce que cela peut donner à deux. Nous sommes rapidement coupés par Sandra, sa copine, qui l’appelle. Je ne sais pas de quoi il s’agit, mais en le voyant partir le long de la plage à faire des allées et venues devant la mer, je me doute que cela doit concerner un appel de détresse. L’affaire s’étalant sur la durée, je danse avec quelques partenaires jusqu’à ce qu’il revienne. Il me confirme que c’est bien ce que j’imaginais : une personne, ne retrouvant pas un ami qui n’est a priori pas ressorti de l’eau, a appelé les secours. Sandra a appelé Alfredo puisque l’affaire a lieu pile en face de l’endroit où nous nous trouvons, profitant ainsi de quelqu’un sur place pour lui venir en aide sur la conduite à adopter. Alfredo n’ayant rien pu observer, Sandra fait intervenir un hélicoptère muni d’un éclairage puissant afin de rechercher dans l’eau. Nous reprenons le cours de la danse qui est rapidement rythmé par le vrombissement de l’hélicoptère qui recherche le disparu. Après un bon moment à pratiquer, Noélia vient me prêter main forte en invitant Alfredo, continuant l’initiation par de la pratique et des conseils avec un autre point de vue. Noélia me dit plus tard que j’ai de la chance d’être tombé sur quelqu’un d’aussi agréable qu’Alfredo. Je partage son avis et en ai conscience.
J’échange longuement avec une Roumaine habitant à Valencia que j’avais brièvement rencontrée pendant le festival puisqu’une de ses amies était intriguée par mon vélo. Au fil de la discussion elle me dit que je devrais discuter avec Poliana, une Brésilienne, présente ce soir, habitante de Lisbonne : elle anime un atelier de cycle associatif probablement comme ceux que l’on retrouve à Lyon. Il commence à se faire tard et je pense proposer à Alfredo de rentrer bientôt. Il me devance en me le proposant. Je commence mon tour d’au-revoir en échangeant mon contact avec Poliana. Le tour durera finalement un long moment, se terminant par une dernière danse en tant que suiveur avec Noélia qui me complimente en me disant que les bons suiveurs sont rares. Nous nous attardons encore en discussion en compagnie d’Alfredo puis nous finissons par nous en aller pour de bon vers les champs de souchet. Arrivés à l’appartement, nous nous mettons d’accord sur l’horaire de réveil : Alfredo m’a proposé dans l’après-midi de rejoindre un groupe d’amis avec lesquels il pratique le yoga le dimanche matin aux alentours de 9h au « rio ». L’horaire convenu, la journée bien remplie se termine par une bonne nuit de sommeil.
28 Août 2022,
8h15, je me lève avant que le réveil ne sonne. Je commence par me doucher, Sandra rentre de sa nuit de travail peu de temps après. Nous préparons de quoi pique-niquer après la séance de yoga puis nous mettons en route, sans traîner, nous sommes en retard. Sandra, fatiguée de la nuit, ne nous accompagne pas et reste dormir à l’appartement. Nous arrivons rapidement au lieu de rendez-vous ou nous attendent les deux amies d’Alfredo. L’une d’entre elles s’essaye à la photographie et souhaiterait essayer de nous prendre en photo pendant la séance. Elle propose donc à Alfredo de diriger la séance. On me propose également de diriger la séance mais je n’ai initialement pas d’idée d’enchaînement. En réfléchissant, je propose de réaliser une salutation au soleil assez complète que je connais en guise « d’échauffement » qui sera suivie par la séance d’Alfredo.

Je commence la séance par un temps mort afin d’être présent dans la pratique puis commence l’enchaînement. Une fois cela terminé, c’est au tour d’Alfredo de commencer sa séance. Elle commence par du « pranayama » : des exercices de respiration, suivis par plusieurs « assanas », des postures nécessitant plus ou moins de force et équilibre. Je retrouve parmi celles-ci le corbeau et l’arc dont j’ai oublié le nom « yogi » ainsi que le sirsassana, le poirier, que je décline sous sa forme padma en repliant mes jambes en lotus. La séance comportera plusieurs moments statiques dont le shavassana pour clôturer la séance par de la détente. Ces moments statiques se transforment en vrai exercice de concentration et volonté puisque nous sommes assaillis par des mouches qui n’hésitent pas à se promener jusque sur les lèvres.


Après deux heures de pratique nous nous installons dans l’herbe pour le pique-nique partagé, moment de convivialité. Je fais connaissance avec les deux amies d’Alfredo puis nous décidons qu’il est temps de nous mettre en route. Alfredo n’ayant toujours pas essayé le vélo, je lui propose de profiter de l’absence des sacoches pour l’essayer. Il s’installe sur le siège, je l’aide un peu pour démarrer mais je sens rapidement qu’il a l’équilibre et finis par le lâcher. Je le regarde s’éloigner puis je fais demi-tour et rejoins les « yogi » en quadrupédie puisque l’idée vient de me passer par la tête. Je leur explique alors que c’est un exercice qui vient du mouvement naturel, plus connu sous l’abréviation de « Mov’nat » en anglais. Je leur montre quelques autres mouvements qui amusent suffisamment l’une d’elles pour qu’elle en essaye certains. Alfredo finit par revenir et tout souriant, ravi de l’expérience allongé. Évidemment je lui montre à nouveau les exercices de mouvements naturels et nous finissons par nous prendre tous deux pour des lézards en imitant leur marche. Nous repartons ensuite chez Alfredo qui doit se préparer pour son après-midi de travail. Nous nous arrêtons au passage chez un vendeur de nourriture à emporter. Alfredo m’explique que l’on en trouve dans presque toutes les villes. C’est un bon plan, la portion de riz (ou paella) ainsi que bien d’autres plats cuisinés, sont très bon marché, bien souvent en dessous de 5€.


Nous arrivons chez Alfredo, Sandra termine encore sa « nuit » mais finit par se lever. Alfredo me propose de passer encore une nuit à la maison et de partir le lendemain matin avec lui puisqu’il sera du matin cette fois-ci. Je réfléchis à la proposition mais décide que j’ai passé assez de temps à Valencia, d’autant que, vu le programme de travail du couple, je ne pourrai bénéficier que de peu de moments supplémentaires en leur compagnie. Je décide donc de partir après avoir déjeuné avec Sandra. Alfredo doit se mettre en route pour le travail et ne peut donc manger avec nous. Nous nous saluons chaleureusement puis il s’en va. Je déjeune avec Sandra, heureuse de cette arrivée de nourriture, en finissant par une infusion refroidie avec un glaçon comme on le fait fréquemment avec le café en Espagne. J’assemble mes affaires en laissant un petit mot manuscrit pour remercier mes merveilleux hôtes. Sandra m’accompagne au garage puis m’indique la direction avant de nous séparer par une embrassade.
J’ai contacté Ulise qui m’a dit qu’il serait présent à sa ferme aujourd’hui. L’heure est déjà un peu avancée, je décide de rouler à bonne allure. Je reprends le même chemin que j’ai emprunté pour me rendre à Dénia. Je m’arrête un instant sur la plage où j’ai retrouvé Rachel, nous sommes dimanche et la plage se trouve cette fois-ci bien fréquentée, l’ambiance me paraît alors bien différente. Un peu plus loin sur le chemin rejoignant la réserve je trouve un cycliste poussant son vélo manifestement crevé. Je lui demande s’il a besoin d’aide. Il me dit qu’il a tout le matériel pour réparer la crevaison excepté la pompe. Je me propose de lui prêter la mienne. L’homme est ravi, j’apprends qu’il est portugais, nous troquons alors l’espagnol pour le portugais, c’est une bonne occasion de pratiquer. Il habite à Valencia et se trouve à une vingtaine de kilomètres de chez lui. Nous repérons le trou ensemble puis il entreprend de réparer la crevaison. Je profite de la pause pour grignoter. Vu la façon dont il s’y prend je me doute assez vite qu’il faudra recommencer puisque la rustine ne va pas coller correctement. C’est effectivement ce qui arrive, je lui montre alors comment je procède après avoir nettoyé la zone de la première couche de colle. Il finit par repartir en me remerciant à nouveau vigoureusement.
Je repasse par la zone où j’ai rencontré le cycliste madrilène lors du trajet précédent qui me remémore certains moments. Je finis par bifurquer en direction de Sueca que je passe pour rejoindre Vilarcangel qui se trouve juste avant Polinyà de Xúquer. Ne trouvant pas l’endroit, j’appelle Ulise mais évidemment au moment où je trouve le panneau indiquant que je suis au bon endroit. Je lui dis alors que j’ai trouvé. Il me répond qu’il sera sur place d’ici une bonne demi-heure et que je peux me présenter auprès de Iban ou Gilles comme un de ses amis.
Je passe le portail et traverse une belle allée encadrée par des champs d’orangers de chaque côté. Arrivé au niveau de la grande bâtisse, l’orangeraie laisse place à de grands figuiers. Une structure en jolies briques héberge un parterre de plantes aromatiques dans cette zone bien ombragée et relativement fraîche. Je rencontre en premier lieu Boni, installé sur un canapé à l’extérieur, c’est un jeune woofer hollandais qui parle quelque peu espagnol et beaucoup mieux anglais. Il me dit que Iban doit se trouver à l’intérieur. Je fais le tour du lieu et finis par tomber sur Iban dans la cuisine. Je lui explique la situation, il m’offre de l’eau, me dit alors de faire comme chez moi et que je peux profiter de la piscine si j’en ai l’envie. Je pars me rafraîchir dans la piscine en attendant qu’Ulise arrive. Depuis la piscine j’aperçois un homme prenant le soleil un peu plus loin. Il reste un moment puis s’en va sans m’avoir aperçu. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit de Dani.
Je sors de la piscine et me promène dans l’orangeraie en maillot de bain pour sécher à l’air libre. Je tombe sur une zone de l’orangeraie décorée par des mannequins d’exposition, des miroirs et quelques pendentifs flottant au vent. On sent que l’endroit est habité par des artistes. En faisant mon tour, je croise Carol qui arrive tout juste ; elle s’émerveille devant mon vélo et souhaite immédiatement essayer l’assise. Très accueillante, c’est une femme très, parfois presque trop, attentionnée. Dans la foulée arrive Ulise avec sa compagne. Il me salue et me propose un tour du propriétaire. Nous commençons par l’extérieur. Il me montre l’orangeraie, et en profite pour se rendre dans une zone où il reste des oranges à cueillir pour en ramener chez lui. Il me montre fièrement les différents plants de moringa qu’il a disséminés un peu partout dans l’orangeraie : il souhaite à terme transformer cette monoculture d’orangers en forêt nourricière. Ainsi on retrouve des figuiers, des palmiers et quelques autres espèces d’arbres répartis aléatoirement dans l’orangeraie. Il me montre ensuite le jardin potager qui est entretenu par une autre Carol que celle que je viens de rencontrer, habitante du lieu.
Il me montre brièvement l’intérieur. Une grande salle qui ressemble à une sorte de hangar avec des portes métalliques coulissantes fait office de salon. On retrouve bon nombre d’instruments en tout genre côtoyant des vinyles qui sont parfois joués par les habitants. Un hall d’entrée s’ouvre sur un salon transformé en zone de détente ou peut-être méditation constituée de matelas fin et de zafus. A côté des matelas se trouve un cadre en bois supportant différentes plaques métalliques, cloches et autres objets que l’on fait résonner à l’aide de baguettes. Quelques bols tibétains sont disposés ça et là ainsi qu’un xylophone. Il me montre une zone dortoir où de nombreux lits superposés peuplent l’endroit. Le tour terminé, il me demande ce que je compte faire. Je lui dis alors que j’imagine rester une ou deux nuits puis reprendre la route. Il me dit alors que c’est entendu, me dit que je peux rester ces deux nuits et me salue en me disant de laisser une participation dans la boîte à dons qui se trouve à l’entrée de la propriété.
Je prends alors le temps de me doucher et reviens dans la cuisine pour me préparer à manger. Je peux utiliser les légumes disposés dans le garde-manger qui sont ceux du jardin. Au vu de ce qui se trouve sur l’étalage je me décide à faire une sorte de ratatouille. Au moment où je commence à m’affairer, Boni le woofer entre dans la cuisine. On m’a dit que le soir, chacun se fait à manger pour soi, je lui propose alors de préparer à manger pour deux s’il le souhaite. Nous mangeons ensemble, puis petit à petit, les habitants de la maison se retrouvent dans le salon hangar. Boni se met à jouer de la guitare en chantant. Il est très doué. Il est rejoint ensuite par Gilles, un belge woofer depuis 7 mois, qui l’accompagne au violon. Une jam commence à prendre forme avec Dani qui rythme la mélodie d’une caisse claire sur laquelle il tambourine. Cette ambiance musicale fort agréable s’étale jusque tard dans la nuit, entrecoupée de pauses musicales emplies d’éclats de rire. Je finis par abandonner la soirée et rejoindre le dortoir.