8 août 2022,
Je me réveille, à l’ombre du figuier, je vide une sacoche dans laquelle je place mon ordinateur dans l’objectif de le recharger en ville. Je pars ensuite en ville pour déjeuner puisqu’il ne me reste plus que les figues de barbarie et j’ai besoin d’autre chose que de fruits et légumes qui ont constitué mes trois derniers repas. Je m’installe à une boulangerie où l’enseigne semble indiquer un four à bois. Au vu des produits vendus je doute de la chose, j’achète tout de même une quiche et un pain, puis je m’installe en terrasse pour consommer la quiche et quelques morceaux de pain agrémentés d’huile d’olive et de sel.
Je pars faire quelques courses, je vais profiter de la maison pour me faire à manger. Hier soir Guillermo m’a indiqué qu’un autre cycliste italien lui a fait une demande d’hébergement. Je prévois pour deux voire trois personnes, ne sachant ce que Guillermo compte faire. Je m’installe ensuite dans un café pour recharger mon ordinateur et écrire pendant quelques heures, accompagné d’un petit sandwich qui me servira de repas du midi avant l’heure.
Je me promène ensuite dans un parc assez grand de la ville puis cherche un glacier. Je finis par tomber sur un petit glacier avec une terrasse déserte, j’en profite pour échanger avec ce jeune très sympathique. Je retourne ensuite à la casita verde. Je continue de m’adonner à l’écriture, ponctuée de plusieurs pauses baignade dans le canal pour abaisser la température qui dépassait les 40°C sur les panneaux d’affichage en plein soleil et avoisinait plutôt les 36°C ou 37°C à l’ombre. Guillermo finir par arriver avec la petite chienne Rita. Il stationne plus proche de la maisonnette pour remplir la tonne à eau.

Lors de l’opération arrive le cycliste italien. Il voyage en gravel, une grosse partie de son paquetage se trouve sur l’avant de son vélo. Il est bien équipé, il embarque avec lui une go-pro pour se filmer lui ou la route ponctuellement, un traceur GPS qui envoie un signal de position fréquemment permettant à n’importe qui de pouvoir suivre sa position en direct depuis une interface web. Il a également de petits panneaux solaires. Avec 4 plaques qui doivent probablement produire 24 watts crête et une batterie supplémentaire qu’il connecte aux panneaux solaires qu’il expose rapidement au soleil. Il est parti du nord de l’Italie et compte rejoindre Grenade où il se rend pour un échange universitaire.
Nous profitons ensemble du canal, Amadeo se délecte de l’eau fraîche dont Guillermo s’amuse à nous arroser en sortant le tuyau remplissant la tonne qui est maintenant pleine. Nous passons un joyeux moment ensemble, moi heureux de retrouver un autre cycliste et Amadeo d’atterrir dans ce petit coin de paradis. Guillermo s’en va et nous laisse tous deux.
Ce jeune de 25 an me fait penser à moi quelques années auparavant, il roule à minima une centaine de kilomètres par jour et semble donc moins prendre le temps comme j’ai maintenant décidé de le faire. Il me dit qu’il se sent bien quand il est sur son vélo. Lorsqu’il s’arrête il ressent rapidement le besoin de partir et rouler pour ainsi se sentir libre. En échangeant sur notre manière de voyager à vélo, qu’on pourrait imaginer similaire de l’extérieur puisque le mode de transport léger est identique, nous avons là deux approches réellement distinctes. Lui plus léger, a un matériel adapté à parcourir de longues distances rapidement, plutôt sur des routes asphaltées puisqu’il n’a pas de suspension, indispensables si l’on se retrouve à faire beaucoup de chemins accidentés. Cela correspond bien à son approche qui est celle d’un cycliste qui roule. Mon matériel en revanche, bien que relativement minimaliste, est globalement plus lourd, moins adapté à la « vitesse » mais je passe partout. Nous en concluons qu’il est un cycliste et moi un voyageur.
J’ai commencé à préparer le repas pendant que nous échangions : au menu pâtes aux champignons et légumes accompagnés de seitan. Amadeo est aux anges puisqu’il s’agit de son premier plat de pâtes depuis qu’il est parti d’Italie. La quantité est importante, bien que Guillermo avait dit qu’il ne reviendrait probablement pas, j’en ai fait suffisamment pour que trois personnes soient bien nourries. Après un apéro au pain blanc trempé dans du gaspacho, avec ambiance musicale, nous nous attaquons au plat avec des figues tout juste cueillies en guise de dessert. Amadeo me dit qu’il apprécie ma musique et je suis étonné et content de lui faire découvrir Manu Chao qu’il ne connaissait pas jusqu’alors. Nous discutons encore un moment de voyage et destination, Amadeo me montre des endroits plus au sud à visiter puis il rejoint sa tente et moi mon hamac.

9 août 2022,
Amadeo a décidé ce matin de prendre son temps, il doit arriver à Valence aujourd’hui où il sera hébergé par un autre Warmshower afin de passer une journée à visiter la ville. Il n’a donc que 70km à parcourir et peut se permettre de partir en fin de matinée. Nous commençons par un petit déjeuner d’œufs au plat sur une tranche de pain à l’huile d’olive et au sel. Nous prenons de le temps de refaire le monde, cueillir des figues, nous baigner un peu et partageons l’idée que Guillermo sait exactement ce dont nous avons besoin, ce lieu offrant un refuge idéal pour les cyclistes de passage. Reprendre la route finit tout de même par démanger Amadeo qui part aux alentours de 11h.
Piqué par l’idée d’Amadeo, je tente de demander à un Warmshower à 25 kilomètres de Valence s’il pourrait m’héberger pour la nuit du 10 au 11 afin de me rapprocher de Valence. Je passerai le reste de la journée à écrire, interrompu par une pause déjeuner des restes de pâtes de la veille, puis d’une visite de Guillermo rejoint par une amie très sympathique autour d’une bière. Curieuse, je lui ferai essayer mon vélo avant qu’elle reparte, suivie de Guillermo qui me laisse à nouveau seul. En fin de journée, Guillermo reviendra et nous partagerons ensemble un bain nu dans le canal. Un nouveau plat de pâtes cette fois-ci au pesto est prêt mais Guillermo n’en voudra pas puisqu’il ne mange que peu le soir. Il m’indique à nouveau deux endroits à visiter le lendemain qui se trouvent sur ma route : une petit cité muraillée et des bunkers datant de la guerre civile espagnole de 1938. Nous partagerons une dernière bière avant qu’il reparte et nous nous saluons : je compte partir le lendemain relativement tôt pour me rendre chez Ruben à Gilet qui accepte de m’héberger le lendemain.
10 août 2022,
Le soleil se lève, je profite du moment pour une photo avant de préparer une omelette aux oignons pour finir les derniers œufs que j’avais en stock. Je range mes affaires, remets en place tout ce que je peux dans la maisonnette, puis après un coup de ménage me remets en route avec un petit pincement au cœur après cette belle pause dans cet oasis .

Mascarell, petit village muraillé que m’a conseillé de visiter Guillermo, est en effet singulier, et a conservé son charme par l’interdiction de construire plus haut que la muraille. Le village est désert lorsque je le traverse dans un sens. Après avoir discuté avec des habitants à l’extérieur des murs, je trouve finalement l’animation de celui-ci autour du bar dans une autre ruelle.


Je reprends la route en direction des bunkers que m’a indiqués Guillermo ; je finis par les trouver au milieu des champs d’orangers et séparés par l’autoroute qui était, lors de la guerre civile de 1938, l’unique voie de passage et donc un point stratégique à défendre, faisant de Nules une ville chahutée au fil des âges par les conflits, et à plusieurs reprises détruite en bonne partie. Je me dirige ensuite vers la côte que m’a conseillée de suivre Guillermo. J’arrive rapidement à Puerto Sagunto, puis à Sagunto où je me mets en quête d’un lieu tranquille pour assister à une réunion de travail que j’ai à 14h. Il est alors 13h, j’ai encore le temps mais il ne faut pas que je traîne. Je commence par un bar où je tombe sur une serveuse blonde espagnole qui ne comprend rien à ce que je recherche, non pas à cause de mon espagnol, mais plutôt à cause ce qui se cache sous sa chevelure… Le patron ne m’aide guère plus en m’indiquant des Pakistanais qui ne doivent être autre que des vendeurs de matériel informatique. Je tente donc plus loin, à l’opposé de ce que l’on vient de m’indiquer. Je tombe sur un bar bien fréquenté, donc trop bruyant. J’échange avec un Espagnol accompagné d’un Russe me semble-t-il, ou du moins des pays de l’est, qui comprennent mon besoin et réfléchissent ensemble à un endroit approprié. Ils m’indiquent alors une adresse de l’autre côté du pont que je peine un peu à trouver, mais je finis par y arriver.

L’endroit semble convenir, il s’agit d’un bar-restaurant animé en terrasse mais assez calme à l’intérieur. Je m’installe à une table, demande le mot de passe du wifi, teste mon installation puis commande à manger : j’ai une demi-heure devant moi, si je suis servi rapidement je dois pouvoir avoir fini avant la réunion. Tout s’enchaîne à merveille, à défaut d’un couple qui s’est installé pour déjeuner proche de moi. L’heure de l’entretien arrive, je suis prêt, j’ai terminé de manger mais j’éprouve quelques soucis audio pour rejoindre la visioconférence à cause de mon micro matériellement désactivé…
Passé ce léger moment de stress je me remets en route presque euphorique en direction du point de rendez-vous que m’a donné Ruben devant un supermarché de la ville. J’arrive sur place rapidement et m’achète un jus de citron et gingembre en attendant l’arrivée de mon hôte occupé par un appel. Il arrive enfin alors que je finis de m’étirer, il a l’air fort sympathique. Il est descendu avec sa fille et son porte-vélo pour m’éviter de monter un bout de côte à 20 % qui mène jusqu’à chez lui. Nous détachons le vélo et je découvre une maison en flanc de colline, sur plusieurs étages, le supérieur étant l’appartement familial et le second un appartement qu’ils louent ponctuellement sur Air b&b. Il me laisse donc un appartement entier à ma disposition en plus de sa voiture qu’il me propose de me prêter si jamais j’en ai l’usage pour effectuer des courses par exemple. Il me propose un Coca frais que je partage volontiers avec lui et me laisse dans mes quartiers une fois le tour de la maison effectué. Il m’invite à dîner avec eux le soir aux alentours de 22h, puisqu’ils seront à une foire avec sa fille jusqu’à cet horaire. N’ayant pas l’impression de pouvoir passer plus de temps pendant l’après-midi avec eux, je continue l’écriture et passe mon PC sous linux mint 21 qui vient de sortir.
Je termine l’après-midi par une sieste dont je me réveille en sursaut à un peu plus de 22h. Je sors dehors et constate qu’il n’y a pas de lumière dans l’appartement de Ruben et Vega, je n’ai pas non plus reçu de message. J’attends donc sur la terrasse à observer Puerto Sagunto au loin. Enfin peu avant 23h, je vois arriver la voiture de Ruben. Il me demande si je veux toujours manger avec eux et s’excuse d’arriver aussi tard sans prévenir : ils se sont retrouvés sans batterie. J’accepte à nouveau et me retrouve à partager une soupe de tomate maison excellente. Je découvre qu’il est professeur de sport en université et que sa fille, d’une douzaine d’années, réservée lors du court trajet jusqu’à la maison, est vive et curieuse. Elle adore partager des choses de la région, que ce soit linguistique, avec le valencien qu’il m’arrive de parler malgré moi avec mes mots de portugais qui créolisent mon espagnol, ou culinaire de par les plats qu’elle aime. J’apprends que Ruben fait également son pain avec une « pâte mère » qui est la traduction littérale de levain en espagnol. J’espère que nous puissions en faire ensemble et emmener avec moi un bout de son levain. Avec la soupe de tomates, Ruben présente à table une assiette de fromage de la région accompagné d’une sorte d’excellent chorizo qui tire presque sur une saucisse à tartiné.
Ruben et sa fille m’apprennent que Sagunto est une ville un peu particulière par son port qui, parle le passé, hébergeant alors une grosse entreprise florissante, a attiré bon nombre de travailleur de tout les horizons. Ils sont alors installés autour du port, la ville ce trouvant à quelques kilomètres grossissant jusqu’à devenir presque aussi important que la ville elle même. La diversité des habitants a apporté un folklore particulier à la région qui se traduit par des fêtes distincts qui se suivent avec celles de Sagunto entretenant une légère rivalité de bonne guerre entre les deux villes. Je passe une super soirée avec mes hôtes puis descend d’un étage pour me coucher.